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la conspiration du harem

article paru dans toutankhamon magazine n°25, par François Tonic

Une conspiration complexe[1]

Les derniers mois de Ramsès III se révèlent sombres et ternis par une grande conspiration touchant de nombreux dignitaires parmi les plus puissants et influents du pays. L’affaire demeure complexe et difficile à démêler et les subtilités des textes égyptiens n’autorisent pas une interprétation définitive de cet événement qui marquera les premiers mois du règne de Ramsès IV.

 

Les sources[2]

Plusieurs textes égyptiens abordent cette conspiration dite du Harem ; nous reviendrons plus loin sur cette appellation. Le papyrus judiciaire de Turin constitue le principal document. Il manque la première page du papyrus contenant sans aucun doute de précieuses informations. Il est rédigé en hiératique, l’écriture quotidienne des scribes et de l’administration. La finalité exacte du papyrus n’est pas connue. Était-il affiché publiquement à Médinet Habou ? Éventualité possible mais impossible à confirmer. De même qualité, pour son écriture soignée et la taille des « lettres », le papyrus Harris I se compare à une chronique du règne de Ramsès III, une sorte de res gestae. Comme le note Vernus, le papyrus Harris I se veut un document sacré, avec l’insertion de signes hiéroglyphiques, écriture sacrée par définition. Le papyrus Rifaud F est un document méconnu et d’interprétation difficile (dixit Yan Koenig[3]). Il s’apparente aux grands papyrus judiciaires de la XXe dynastie. Malheureusement fragmentaire et dégradé, il manque de larges sections du texte, empêchant une compréhension générale du document. Il ne date pas de Ramsès III mais sans doute de Ramsès IV[4].

Le papyrus de Varzy daterait de la XXe dynastie et peut-être du règne de Ramsès III. Ce papyrus se résume à quatre lignes. Longtemps, il était désigné comme ayant une référence à la conspiration du harem, mais les récentes études le classent désormais dans la catégorie « papyrus judiciaire »[5]. Les papyrus Lee et Rollin constituent un unique document.

 

Aux origines de la conspiration et son déroulement

Si aujourd’hui on admet que la conspiration ne visait pas spécifiquement le souverain mais plutôt le prince héritier, le futur Ramsès IV, durant longtemps, et encore maintenant, on écrit que le complot visait Ramsès III. L’égyptologue Breasted écrivait en 1906 : «  Il est clair que la conspiration visait le roi… »[6]. Cependant, l’état fragmentaire des documents ne permet pas clairement de trancher la question.

Plantons le décor du drame : une reine nommée Tiyi complote pour pouvoir imposer son fils sur le trône, Pentaour[7]. Avec d’autres hauts dignitaires, elle mena la conjuration. Le complot naquit sans doute au sein du harem, peut-être sur l’initiative de la reine. Au fur et à mesure, d’autres femmes, membres de leurs familles et des responsables du harem se joignirent à l’action. Puis les ramifications s’étendirent à la cour, chez quelques officiers de l’armée, en province. On oublie souvent un élément important de la conjuration : la sorcellerie. Sa maîtrise constituait un gage de réussite, en utilisant les écrits, les potions et figurines. La magie protégeait le roi, donc il fallait en user à son tour pour briser la protection magique du souverain.

Nous ne savons pas précisément si Ramsès III mourut de mort naturelle ou du complot. La commission d’enquête date-t-elle réellement de Ramsès III ou plutôt de Ramsès IV ? Cette dernière hypothèse n’est pas à écarter car l’acharnement de Ramsès IV envers les conjurateurs pourrait nous inciter à la croire. Mais les épreuves et l’âge de Ramsès III ont pu suffire à faire trépasser le roi[8].

 

Une répression méthodique ?

Plusieurs dizaines de personnes furent mises en cause et condamnées. Comme pour signifier la répression, le mépris du pouvoir pour les comploteurs et leur privation de toute vie dans l’au-delà, les conspirateurs reçurent un nouveau nom ayant un sens péjoratif. Les Égyptiens allèrent jusqu’à nier le statut de certains accusés. Pour se faire, on invoqua Phrê[9].

Cependant, ce complot provoque une « pudeur » dans les propos rapportés par les différentes sources connues. En maniant la langue de bois, on parle de la volonté d’action contre le roi sans le dire précisément. Car finalement, comment porter atteinte à celui que l’on ne peut pas contester[10] ? Le papyrus de Turin compare les accusés aux abominations du pays.

On touche là un des aspects les plus intéressants de ce complot : le tabou du sang, et comme on l’a vu plus haut, l’annihilation des conjurés. En Égypte, le sang représente un certain tabou. Le changement de nom signifie la perte des protections magiques liées justement au nom. Ils deviennent alors des ennemis que l’on peut assimiler au « maléfique » serpent Apopis[11]. La mise à mort d’un ennemi n’a donc plus rien de tabou, de mauvais pour le roi. Une manière pour Ramsès III de se protéger dans l’au-delà[12] ? Bref, si la commission s’avère civile, le jugement se veut divin.

 

Le prince héritier menacé ?

Grandet écrit que le complot visait le prince héritier, Ramsès, futur Ramsès IV. Les différents papyrus font intervenir le roi défunt ; ainsi Ramsès IV, une fois roi, se décharge de tout ou partie du jugement et de la répression, tout en renforçant son pouvoir. Mais comme Ramsès III agit contre des hommes honnis à cause de leur complot, il ne porte pas de responsabilité dans la répression. L’hypothèse paraît plausible.

En l’an 22, le prince héritier apparaît suivant Ramsès III : il s’agit de Ramsès (IV). Cependant, il semble que le roi n’officialise pas le statut du prince. N’ayant pas de grande épouse royale clairement nommée[13], les ambitions des reines et des fils du roi peuvent alors éclore dans ce que l’on appelle l’institution du harem, qui ne ressemble pas au harem oriental. L’instabilité du pays et l’âge du roi favorisent sans doute le complot. Les défilés des princes royaux sur les murs de Médinet Habou étaient, au temps de Ramsès III, tous anonymes : un indice montrant le non-choix de Ramsès III.

L’indiscrétion du complot finit par parvenir aux autorités loyales. Plusieurs dizaines de personnes furent condamnées en plusieurs listes, selon les sentences : peine de mort ou suicide, ablation des oreilles et du nez. La dernière liste n’indique qu’un nom. Cet individu, Hori, ne reçoit qu’un blâme, sans doute en remerciement d’une dénonciation…

Ramsès III mourut quelques mois plus tard à Thèbes, peut-être dans son palais de Médinet Habou. Ramsès IV se fera couronner roi à Thèbes.

 

[1] pour cette partie, nous avons particulièrement pris : Yan Koenig, à propos de la conspiration du harem, in BIFAO 101/ P. Vernus, Affaires et scandales sous les Ramsès, Pygmalion, 1993 / P. Grandet, Ramsès III, Pygmalion, 1993 / H. Perdriaud, Ramsès IV et les conspirateurs, in Toutankhamon Magazine n°2 / pour le contexte général : C. Vandersleyen, l’Egypte et la vallée du Nil, T2, PUF, 1995

[2] On pourra aussi consulter : James Henry Breasted, Ancient Records of Egypt,?vol. IV, Chicago, 1906 (records of the harem conspiracy, section 416 et suivantes)

[3] op. cit. p303

[4] Sur une courte introduction et datation du document : S. Sauneron & J. Yoyotte, le texte hiératique Rifaud, in BIFAO 50

[5] LOFFET, Henri et Valérie MATOÏAN, Le papyrus de Varzy, RdE 47 (1996), 29-36

[6] op. cit. section 416

[7] Nous verrons que les noms furent modifiés.

[8] Vernus se montre très prudent sur la conclusion à donner du complot, op. cit. p153

[9] dieu solaire, démiurge et maître de sa création.

[10] P. Vernus, op. cit., p155

[11] Y. Koenig, op. cit., p300-302

[12] Ainsi que Ramsès IV ?

[13] La reine Isis serait grande épouse royale mais seule une base de statue le mentionne…

 

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